_____Ne croyez-vous donc pas que l'enfance est quelque chose de merveilleux ? De franchement fantastique ? Moi, j'ai toujours cru que mon enfance aurait du être la période la plus magique de toute mon existence, et malgré tout, je crois que cela ne fut pas vraiment le cas. Enfant, je pensais que je vivais dans un monde où personne ne pouvait me comprendre, même pas moi-même, et c'était ce qu'il y avait de plus dur. Hormis le fait que je ne considérais pas ma famille comme telle, j'essayais de me faire accepter partout où je me rendais, et les résultats n'étaient que guère concluants. Plus j'essaie de remonter le plus loin possible dans mes souvenirs, plus j'ai l'impression que ma mémoire se détériore, qu'elle ne me laisse que les quelques bribes et moments où j'étais plus ou moins heureux, épanoui et accompli. Ne croyez-vous donc pas que malgré mon jeune âge, je parvenais à me débrouiller seul ? Et bien pourtant, tel était le cas. Mes parents faillirent à leurs devoirs parentaux, et me laissèrent découvrir et appréhender la vie seul, à l'ombre de mes quatre frères, aussi idiots les uns que les autres. Fils d'un père artisan menuisier et d'une mère ingénieure, j'ai passé toute mon enfance dans le bassin central de France, entouré de toutes les richesses inimaginables et de la liberté tant convoitée pas d'autres. Ma chère mère, trop occupée par son travail et sans doute lassée d'avoir du élever trois autres fils avant moi, ne prit donc pas le temps de s'intéresser à moi, et m'inscrivit dans une des écoles les plus prestigieuses pour rattraper le coup. Malgré cette si délicate attention, je ne pouvais pas m'ôter de la tête qu'elle ne l'avait fait que par simple culpabilité. Mes trois frères n'avaient pas eu cette chance et si elle me la donnait, c'était que je pouvais ne pas la décevoir. Tout du moins, c'était ce que j'espérais. J'étais petit, et naïf, comme n'importe quel enfant, et je rêvais du moment où comme dans chaque famille idéale, le petit dernier soit largement plus chouchouté et choyé que les autres. Mais il fallait bien que je m'y fasse, cela ne serait jamais le cas, et je devais apprendre à vivre dans l'ombre de mes aînés. Je ne cessais d'imaginer comment serait ma vie si j'étais à la place du premier né. Comment aurais-je pu supporter la venue de trois autres petits frères, toujours à se chamailler, à pleurer pour un rien. Finalement, j'ai réalisé que j'étais bien à ma place, et malgré le fait que mes parents me délaissaient, je devais m'y faire et aller de l'avant. Mon père n'était quasiment jamais présent à la maison, toujours à travailler mais je savais qu'il m'encourageait à travailler en cours pour m'en sortir. Malgré tout ceci, je n'ai jamais pu considérer ma famille comme telle, et je trouve plutôt cela dommage.